Deux ratios sont essentiels pour évaluer la valeur d’une officine. L’EBE avant rémunération du titulaire, ou performance commerciale de gestion (PCG), est une notion pertinente pour benchmarker les officines, comme le relèvent les experts-comptables. De son côté, l'EBE après rémunération du titulaire s'impose comme indicateur de rentabilité économique de l’officine, dans une approche de valorisation de l'entreprise.
La méthode exposée par KPMG reconstitue un EBE, quelle que soit l'officine, en partant d'une rémunération normée du titulaire, soit un salaire net au coefficient 800 (le réseau CGP retient quant à lui le coefficient 600). Il en ressort un EBE en pourcentage du chiffre d'affaires à 9,4 % quand l’officine est gérée par un seul titulaire, à 9,2 % en présence de deux titulaires*.
Joël Vellozzi rappelle que le mode de valorisation économique des entreprises commerciales retient habituellement un coefficient multiplicateur de 7 fois l’EBE. « Dans ces conditions, nous ressortirions un coefficient de 63 %, voire 65 %, ce qui serait très loin des 76 % et même 80 % en vigueur sur le marché officinal », expose Joël Vellozzi. Et de constater : « Nous considérons, par conséquent, que les valeurs du marché officinal sont encore déconnectées de la réelle valeur économique de l’officine. Nous pouvons même parler d’une survalorisation marché de cinq à dix points, en moyenne. » Symptomatique de cette problématique des prix, « une officine se rembourse aujourd’hui en moyenne sur douze ans, alors que les autres commerces se financent sur sept ans », note Joël Lecoeur, expert-comptable et président du réseau CGP.
L'attractivité en question
De plus, insiste-t-il, le mode de valorisation est purement arbitraire. Il faut tenir compte d’autres paramètres qui vont venir corriger la valeur de l’officine. Son environnement est ainsi primordial. Présence ou non de prescripteur et d’autres activités commerciales dans son entourage immédiat, sa taille, sa localisation… « l’officine reste une activité de proximité », rappelle l’expert-comptable.
Pour preuve que ces critères ont un poids, le marché officinal, loin d’être homogène, se scinde aujourd’hui en trois catégories, que Joël Lecoeur identifie comme telles : les petites officines qui ne se vendent plus parce que dépourvues de médecins prescripteurs (« une situation dramatique pour les officinaux concernés, alors que ces officines sont une nécessité en termes de santé publique », selon l’expert-comptable), le marché des concentrations (15 à 20 % des transactions concernent aujourd’hui des regroupements), et le marché traditionnel.
Revenant cependant aux moyennes, l’expert-comptable annonce un prix d’achat moyen de 1,37 million d’euros. Un montant stable depuis trois ans et qui, bon an mal an, se finance à hauteur de 18 à 20 % par un apport personnel. « Une somme moyenne de 247 000 euros qui reste significative, certes nécessaire pour pérenniser le projet de reprise et obtenir l’accord de partenaires financiers, mais qui n’en représente pas moins une difficulté d’accès pour les jeunes diplômés, entraînant un manque d’attractivité pour la filière officinale », relève Joël Lecoeur.
Bonne nouvelle cependant, le marché des transactions revient à la raison. Après une bulle spéculative en 2006-2007, qui avait vu le prix des officines grimper jusqu’à 95 % du chiffre d’affaires - un non-sens, alors que parallèlement la rentabilité baissait -, la valorisation de l’officine exprimée en pourcentage du chiffre d’affaires est redescendue à 80 %. Si le marché s’est aujourd’hui assagi, la profession le doit avant tout aux banquiers. « La crise financière étant passée par là, les banques ont été moins généreuses sur leurs crédits, ce qui a permis au marché de renouer avec des prix plus réalistes, même si on peut encore penser que le prix du marché est encore trop fort au regard de la valeur économique du fond », analyse Joël Lecoeur, notant avec soulagement que le niveau de prix a recouvré celui des années 2003-2004.
La loi du marché
Bien que le chiffre d'affaires soit encore communément utilisé comme base de valorisation de l'officine, Joël Lecoeur insiste : « Le critère à retenir est le multiple de l'EBE retraité après rémunération du titulaire. Car quand j'achète une pharmacie, j'achète d'abord un outil de travail, ensuite je paie la fiscalité liée à mon activité, et accessoirement je vais essayer de rembourser l'emprunt. » À l’opposé de ce qui se pratiquait autrefois, relève l'expert-comptable : « Par le passé, on privilégiait la capitalisation au détriment de la rémunération. Aujourd'hui, le logiciel a changé ! »
Dans ce contexte, les experts-comptables s'accordent pour retenir un multiple de l'EBE entre 6,8 et 7, contre 7,7, il y a encore sept ans.
Mais là encore, il ne s’agit que de moyennes et la taille de l’officine est plus que jamais un facteur déterminant. « Alors que les officines de moins d’un million d’euros de chiffre d’affaires se négocient à 60 % de leur chiffre d’affaires, celles dont le chiffre d’affaires est supérieur à 2 millions d’euros affichent un prix de cession à 87 % de leur chiffre d’affaires », constate l’expert-comptable. Car, là aussi, la loi du marché fait rage. L’offre et la demande aidant, les officines les plus importantes intéressent davantage les acquéreurs.
* La Performance commerciale de gestion (PCG) quant à elle atteint respectivement 14,7 % du chiffre d'affaires dans le cas d'un titulaire seul, et 16,9 % dans le cas de deux titulaires.
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