LORSQU’UNE officine a des difficultés financières importantes, elle peut faire l’objet de ce que l’on appelle une « procédure collective » qui aboutit soit à un plan de redressement et de continuation avec ou sans repreneur extérieur, soit, en cas d’impossibilité de continuer l’exploitation du fonds, à sa liquidation pure et simple.
Ce n’est pas une hypothèse d’école : « Dans la capitale, plus d’une cinquantaine d’officines libérales font l’objet chaque année d’une telle procédure », assure-t-on au tribunal de commerce de Paris. Un chiffre qui a doublé depuis dix ans. Bien qu’il n’existe pas de statistiques nationales sur ces officines qui ne « marchent plus », on peut estimer leur nombre à quelques centaines, aujourd’hui, sur l’ensemble du territoire.
Mais, bien entendu, toutes les officines en difficulté financière ne font pas l’objet d’une procédure devant le tribunal. Certaines ont « seulement » des problèmes pour régler leurs fournisseurs et leurs cotisations sociales, avec souvent des arriérés de paiement et un découvert plus ou moins important sur leur compte bancaire. Ainsi, toujours à Paris, un rapport du greffe du tribunal de commerce estime que « 10 % des officines en activité rencontrent des problèmes pour régler leurs cotisations sociales obligatoires, 7,8 % étant par ailleurs endettées vis-à-vis de l’Urssaf ». Quant à la dernière étude statistique de Fiducial sur l’économie des officines en 2008, elle montre que plus de 5 % d’entre elles connaissent des soucis de trésorerie, parfois importants.
Précautions indispensables.
Dans tous les cas, l’intérêt d’acquérir une officine qui connaît ce genre de difficultés est, bien entendu, de la payer moins cher. Mais attention car les pièges sont nombreux.
Tout d’abord, lorsqu’on achète une officine en société, on achète un actif et un passif. C’est donc à l’acquéreur de régler le passif de la société et, comme le rappelle Yves Laurent, expert-comptable à Paris, « une partie de ce passif risque surtout d’être cachée ». En d’autres termes, si ce passif venait à augmenter après la vente ou si un passif nouveau se révélait, l’acquéreur serait obligé de le payer également. C’est pourquoi il est très important, notamment lorsqu’on achète des parts de SEL, de prévoir dans l’acte une clause protectrice qui mettra les dettes inconnues au moment de la vente à la charge du vendeur : c’est la fameuse clause de « garantie de passif ». Cette clause peut du reste être remplacée par une clause de révision de prix, qui protège encore mieux l’acquéreur. En effet, grâce à elle, le vendeur peut être tenu de rembourser à l’acquéreur la différence de valeur des parts due à la révélation d’un passif. La clause de révision de prix est fréquente, aujourd’hui, dans les actes de vente de parts sociales.
Respecter la procédure.
Pour ceux qui souhaitent acquérir une officine dans le cadre d’une procédure judiciaire (par cession ordonnée par le juge, notamment), les précautions précédentes doivent se doubler du respect du formalisme juridique en vigueur pour cette procédure.
En pratique, une offre d'acquisition est d’abord faite, et le tribunal retient ensuite l'offre qu'il estime pouvoir permettre d'assurer, dans les meilleures conditions, les emplois et le paiement des créanciers. Tout pharmacien intéressé au rachat de l'officine peut ainsi déposer une offre au greffe du tribunal de commerce. Mais, il faut le savoir, l’acquéreur qui emporte la mise n’est pas toujours celui qui a fait la meilleure proposition de prix. Le tribunal se décide aussi sur la capacité du repreneur à redresser l'officine, à maintenir le plus d'emplois possibles et à apurer le passif.
Par ailleurs, une cession d'officine dans le cadre d'une procédure collective porte sur tous les actifs : le matériel, le mobilier, les aménagements, le stock, etc. Or, si l'acquéreur ne reprend pas obligatoirement tout le passif, il doit au minimum rembourser les emprunts garantis par des sûretés et les créanciers munis d'un nantissement. Le rachat peut donc coûter assez cher, et les possibilités de développement de l’officine doivent justifier ce coût.
Vérifier l’environnement de l’officine.
En outre, pour ne pas aggraver les problèmes de l'officine, la procédure de cession est souvent rapide et il faut donc avoir suffisamment de temps pour bien examiner le dossier financier. Or, les dossiers communiqués aux acquéreurs sont parfois incomplets. Les pertes d'une officine en difficulté peuvent ainsi être sous-estimées, et se révéler finalement plus importantes que celles annoncées.
Autre obstacle : avoir accès aux informations sur la situation économique réelle de l'officine et sur son environnement. La vérification des règles d'urbanisme locales, par exemple, est fondamentale. Or, comme pour les données financières, les administrateurs judiciaires ne peuvent être tenus pour responsables des erreurs figurant dans les documents remis aux candidats à l'acquisition…
Bref, la reprise éventuelle d'une officine en difficulté doit s'entourer d'un maximum de précautions. Prendre un avocat ou un conseil spécialisé n'est pas obligatoire, mais très vivement conseillé…
› FRANÇOIS SABARLY
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