Qui n'a pas rêvé devant le Téléthon de voir se réaliser la promesse de guérir des maladies dites incurables ? En 2019, la thérapie génique tant attendue n'est plus un concept abstrait : c'est une réalité.
Les premiers médicaments s'appellent Luxturna (laboratoire Novartis), dans le traitement de la dystrophie rétinienne héréditaire, ou Yescarta (Gilead France) pour le traitement de deux lymphomes rares. Et d'autres vont suivre. Des traitements inédits par leur mode d'action, leur protocole de préparation et d'administration, mais aussi par leur coût faramineux de l'ordre de plusieurs centaines de milliers d'euros pour une injection. Sauf qu'avec les CAR-T Cells en oncologie ou la thérapie génique dans les maladies rares, on vise la guérison. « L'arrivée des thérapies géniques met chacun des acteurs (assurance-maladie, professionnels du soin, industriels) face à un défi merveilleux qu’ils n’avaient pas prévu et pour lesquels nos systèmes n’ont jamais été pensés : la guérison », résume Éric Baseilhac, directeur accès, économie et export du LEEM. Ce virage médical et pharmaceutique est à peine entamé que se pose la question de son financement.
Fin de course pour le dispositif français de fixation des prix.
L'ensemble des acteurs s'accordent sur un constat : le dispositif français de fixation des prix est à bout de souffle. « Les difficultés d'accessibilité à des nouvelles molécules et les retards accumulés dans la fixation des prix sont le signe de cet essoufflement. Il est indispensable de trouver les moyens de financer autrement les médicaments », observe Gérard Raymond, président de France Asso Santé. Le dossier encore brûlant des médicaments contre l'hépatite C témoigne de cette situation. Depuis plusieurs années, le LEEM, représentant majeur du monde pharmaceutique, tire la sonnette d'alarme. « C'est une évidence : on ne peut plus réguler les dépenses liées aux médicaments avec les mêmes règles que celles qui ont été appliquées jusqu'à présent. Le PLFSS 2020 montre d'ailleurs qu'on est arrivé au bout du logiciel : avec près d’un milliard d’euros de baisses de prix et leurs conséquences désastreuses sur la production pharmaceutique de notre pays, le système qui consiste à rémunérer l’innovation par la baisse des prix des médicaments matures a dépassé ses limites. Dès 2021, l'arrivée de thérapies innovantes, notamment les thérapies géniques et cellulaires, va nous imposer d'inventer de nouvelles règles pour assurer la soutenabilité des dépenses par l'assurance maladie », commente Éric Baseilhac.
Entre 2021 et 2025, six pathologies devraient bénéficier d'un traitement par thérapie génique : l'hémophilie sévère, la bêtathalassémie, la drépanocytose, le myélome multiple, la myopathie de Duchesne et certaines dégénérescences rétiniennes.
Une réforme profonde pour ne pas entraver l'accès à l'innovation.
Une des solutions pour assurer la soutenabilité budgétaire réside donc dans l’étalement de la charge. « Si on étale le financement sur 5 ou 6 ans, on ne dépensera pas plus que ce que nous dépensons aujourd’hui et nous aurons ensuite généré des économies formidables. Pour transformer la montagne budgétaire en colline franchissable il faut néanmoins sortir des règles de l’annualité budgétaire des LFSS », détaille Éric Baseilhac. Le LEEM préconise plusieurs réformes indispensables pour accueillir ces innovations. Premièrement, la mise en place une cellule prospective afin de voir venir et d’anticiper. Pour le LEEM, doter la France d'un outil de programmation pluriannuelle est également une condition nécessaire à l’adaptation du budget et de l’organisation des soins : « Le court-termisme de la LFSS nous empêche de voir des solutions ». Dans ce nouveau cadre, la création d'un fonds d'investissement pluriannuel pourrait être une réponse pour adapter les modalités de financement de l'innovation. Enfin, le budget alloué au médicament doit lui aussi être adapté : « il n'a pas bougé depuis 2009 malgré le vieillissement de la population, la chronicisation des maladies et l'arrivée de vagues d’innovations comme les traitements de l'hépatite C et les immunothérapies. Comparé aux autres grands pays européens, ce budget dans lequel on a largement puisé pour financer le trou de la Sécurité sociale est devenu inadapté aux besoins des patients ».
Côté patients, le président de France Assos Santé en appelle au courage politique pour repenser un modèle où payeur, industriels et surtout patients seraient tous gagnants. Il prône l'évaluation médico économique en vie réelle : « aujourd'hui, on attribue un prix à un médicament, sans remise en cause pendant plusieurs années. L'évaluation en vie réelle permettrait de faire fluctuer ce prix dans le temps, en fonction des résultats effectifs chez les patients : si un médicament n'est pas à la hauteur des promesses avancées par l'industriel, alors les négociations sont rouvertes ». En réalité, ce système à la performance est déjà expérimenté en France mais il reste encore très confidentiel. Il est pourtant partagé par le LEEM : « Évaluer le médicament régulièrement tout au long de la vie et réindexer le prix des médicaments si nécessaire doit devenir la règle. Pour cela, nous devons changer notre regard sur la notion d'incertitude. Nos systèmes d’évaluation sont aujourd’hui averses à l’incertitude. Or, en matière de thérapie génique, où la durée des essais cliniques ne permet pas d’intégrer l’effet sur toute la vie de la guérison, la performance est contingente de l’incertitude. »
Article précédent
« Le pharmacien sera demain un médiateur de e-santé »
Comment les nouvelles missions réinventent le métier de pharmacien
La pharmacogénomique au service de la médecine de précision
Quand les médicaments cherchent leur voie
La box senior santé : un exemple d'innovation high-tech dédiée aux personnes âgées
La nouvelle génération d'essais cliniques arrive
Le hackathon : boîte à idées de l'e-santé
L’innovation dans la continuité
« Le pharmacien sera demain un médiateur de e-santé »
Innovation thérapeutique : trop belle, trop chère ?
Industrie pharmaceutique
Gilead autorise des génériqueurs à fabriquer du lénacapavir
Dans le Rhône
Des pharmacies collectent pour les Restos du cœur
Substitution par le pharmacien
Biosimilaires : les patients sont prêts, mais…
D’après une enquête d’UFC-Que choisir
Huit médicaments périmés sur dix restent efficaces à 90 %