SELON UNE ÉTUDE Opinion Way menée en septembre dernier, l’automédication est une tendance de fond puisque 83 % des Français achètent directement des médicaments sans ordonnance en pharmacie. Pour 77 % d’entre eux, c’est une façon de gagner du temps, tandis que 64 % apprécient de se sentir plus autonomes. « De plus, il devient difficile d’avoir un rendez-vous dans la journée chez un médecin généraliste. La moitié des médecins disent qu’ils ne peuvent pas recevoir tous leurs patients. Selon l’AFIPA, la volonté d’autonomie, la saturation des cabinets de médecine générale et la volonté des pharmaciens de développer ce marché, nous entraînent à l’aube d’un développement de l’automédication », explique Pascal Brossard, président de l’Association française de l’industrie pharmaceutique pour une automédication responsable (AFIPA). Sur ce point, Gilles Bonnefond, président de l’Union des syndicats de pharmaciens d’officine (USPO) tient à préciser : « Des médecins, dans certaines zones géographiques, n’ont plus le temps d’accueillir des patients pour de petites pathologies, mais ce n’est pas le cas partout et certains ont besoin de cette activité pour se maintenir. Il faut faire attention à ne pas opposer médecins et pharmaciens sur l’accès aux soins de proximité. Je propose que le patient choisisse et qu’il bénéficie du même niveau de remboursement et de prise en charge des médicaments, quel que soit son choix. » Une proposition sur laquelle Pascal Brossard est prêt à travailler.
Potentiel de croissance.
Le changement de comportement des patients se concrétise dans les résultats du marché, avec un chiffre d’affaires 2011 de 2,1 milliards d’euros (+1,9 %), pour 486 millions d’unités vendues (+1,3 %). « C’est un marché dynamique, c’est même le marché le plus dynamique de l’officine et les chiffres seront encore meilleurs pour l’exercice 2012 », précise le président de l’AFIPA. Ainsi, en cumul mobile annuel, à août 2012, on note une augmentation en valeur de 3,5 % et de 0,9 % en unités, alors que le marché global du médicament est en régression (-1 % en valeur, -0,5 % en volume). Pourtant, et malgré un changement de comportement du patient français, « le marché de l’automédication reste moins développé en France qu’ailleurs en Europe puisqu’il représente 6,4 % du marché global du médicament, lorsque les parts de marché se situent entre 10 et 14 % dans la plupart des pays proches. Cela veut dire que nous avons un potentiel de croissance colossal ».
Le libre accès, instauré à l’été 2008, est l’un des facteurs du développement du marché. Aujourd’hui, 71 % des officines métropolitaines ont installé une zone dédiée qui leur permet de gagner 5 points sur ce marché, en comparaison avec les pharmacies qui ne l’ont pas mis en place. Il semblerait aussi que ce dispositif ait permis de baisser les prix pratiqués. « Les prix ont baissé de 3,3 % en euros courants, soit une chute de 10 % depuis 2008. » Du côté des consommateurs, le libre accès devient une partie intégrante de l’aménagement de l’officine puisqu’ils sont de plus en plus nombreux à aller vers ce rayon. Cependant, un patient sur cinq ne s’y intéresse pas, selon le baromètre sur le libre accès AFIPA/UPMC. Cet intérêt des patients pour le rayon libre accès n’est pas du goût de Gilles Bonnefond : « Tout patient qui rentre dans l’officine cherche le pharmacien du regard, il cherche le conseil, pas l’endroit où il peut se servir. Si on en fait un parcours de soins, la médication officinale se développera de façon responsable et soutenue par les pouvoirs publics. Si on en fait un parcours de consommation, très rapidement on aura un retour de bâton. »
La médication officinale est, comme le générique, de nature à permettre des économies pour l’assurance-maladie. L’AFIPA a d’ailleurs commandité une étude sur ce thème pour évaluer les économies possibles pour 29 molécules de 15 classes thérapeutiques. « Cette étude estime une économie de l’ordre de 600 millions d’euros et nous permet d’appuyer notre message : une automédication responsable, astucieuse, avec le conseil du pharmacien, est de nature à faire baisser les coûts pour la collectivité tout en répondant à la demande d’autonomie des patients et à la problématique des médecins qui ne peuvent recevoir tous leurs patients. »
Tendance au relistage.
L’AFIPA fait des propositions pour favoriser le développement de ce marché, notamment des opérations d’informations et d’éducation patients, un élargissement du portefeuille de médicaments disponibles et une meilleure formation des professionnels de santé aux pathologies quotidiennes. « L’élargissement de l’offre de médicaments d’automédication passe par des délistages, mais nous observons aujourd’hui une tendance inverse de la part de l’ANSM*, qui a, par exemple, relisté la pholcodine. » Ce n’est pas le seul produit concerné par cette volonté de relistage. Selon une étude présentée par l’AFIPA, si 10 % des médicaments d’automédication étaient relistés, cela demanderait « 1 h 10 de travail supplémentaire pour chaque médecin en France ». Au contraire, si 10 % des médicaments à prescription médicale obligatoire passaient en automédication, « cela ferait gagner du temps au médecin, qui pourrait alors recevoir les patients qu’il ne peut pas recevoir aujourd’hui par manque de temps, et, par effet de cascade, cela libérerait un peu les urgences hospitalières, où 28 % des visites concernent des gens qui n’ont pas réussi à avoir un rendez-vous chez un généraliste », affirme Pascal Brossard.
Un relistage que Gilles Bonnefond explique par « le retour de bâton » car, selon lui, les autorités préfèrent prendre toutes les précautions face au libre accès tant qu’il n’est pas dans le « parcours de soins ». Mais, insiste le président de l’AFIPA, « l’automédication est partie intégrante du parcours de soins ».
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