CELA FAISAIT des années que le sujet était régulièrement abordé dans l’Hexagone, puis balayé d’un revers de main. Mais sauf à accepter de payer des pénalités élevées, la France n’a pas eu d’autre choix que de transposer une directive européenne et donc autoriser la vente en ligne de médicaments avant le 1er janvier 2013. Certains ont su s’y préparer, peut-être même ont-ils contribué à cette transposition dans les temps de la directive de l’Union européenne. Pour d’autres, c’est un coup de massue et une brèche de plus pour la pharmacie d’officine.
Philippe Lailler, titulaire à Caen (Calvados) est le pionnier de la vente en ligne en France. Il proposait déjà des produits de parapharmacie sur son site Internet depuis quelque temps, puis en novembre 2013, il a élargi son catalogue aux médicaments. Il a ouvertement profité d’une faille juridique puisqu’aucun texte n’interdit de vendre des médicaments sur la Toile. Cependant, il met en place une série de garde-fous pour éviter les dérives et protéger au mieux les consommateurs qui choisissent de commander sur son site. Mais son initiative, suivie de près par d’autres pharmaciens 2.0, ne suscite pas que des réactions de confraternité. Il comptabilisera ainsi plus de 200 plaintes à son encontre, dont une émanant du Conseil régional de l’Ordre des pharmaciens de Basse-Normandie.
Engouement limité.
Les pouvoirs publics n’ont pas montré un enthousiasme débordant à l’idée d’autoriser la vente en ligne de médicaments. C’est pourquoi la ministre de la Santé, Marisol Touraine a encadré strictement cette pratique, autorisée uniquement aux pharmaciens disposant d’une officine réelle devant répondre à un ensemble de restrictions particulièrement contraignantes. Certains d’entre elles n’ont finalement pas résisté à l’intervention du Conseil d’État, comme la limitation de la vente aux seules spécialités présentes sur la liste des médicaments pouvant être proposés en libre accès. Aujourd’hui, tous les médicaments de prescription médicale facultative peuvent donc être vendus sur Internet.
Seize mois après la transposition de la directive européenne, une centaine de pharmacies ont lancé leur site marchand et sont officiellement autorisées à le faire par leur agence régionale de santé (ARS) de tutelle. Sur plus de 22 000 officines réparties sur le territoire, l’engouement reste donc limité. Non seulement les pharmaciens sont encore nombreux à être hostiles à cette pratique, mais ils soulignent aussi le peu de rentabilité de la pratique. En outre, les officinaux intéressés par un tel développement regrettent certains garde-fous mis en place par le gouvernement, vécus comme de véritables entraves au commerce de médicaments sur la Toile. Les plus investis, en dehors des pharmaciens pionniers, sont les groupements et enseignes, qui permettent des économies d’échelle non négligeables pour bénéficier d’un site marchand parfaitement dans les règles.
Nouvelle façon d’acheter.
Bien entendu, l’appétit de la grande distribution s’est fait entendre avec l’apparition de la vente en ligne de médicaments, par la voix de Michel-Edouard Leclerc. Ce dernier n’abandonne pas son projet d’obtenir le droit de vendre des médicaments dans ses hypermarchés, arguant de prix plus intéressants qu’en officine et donc en se plaçant, comme toujours, comme le défenseur du pouvoir d’achat des Français. Marisol Touraine a immédiatement exprimé son attachement à la chaîne pharmaceutique et au conseil officinal. Mais Leclerc n’a pas pour habitude de baisser les bras. Il vient d’ailleurs d’obtenir la possibilité de vendre des produits jusqu’alors réservés à l’officine comme les tests de grossesse et d’ovulation…
En attendant, cette nouvelle façon d’acheter ses médicaments fait évoluer la mentalité des consommateurs. Ainsi, une étude PHR/IFOP réalisée fin septembre 2013 montre que 30 % des Français sont favorables à la vente de médicaments sur le net (contre 13 % un an auparavant), mais seulement 4 % des répondants ont tenté l’expérience. Pourquoi ? L’absence de conseil du pharmacien (38 %) et le manque de confiance dans ce type d’achat (57 %) sont les deux principales raisons évoquées.
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