PEU de bouleversements. C’est en quelque sorte la conclusion de la dernière étude de la société américaine d’études statistiques, IMS Health, sur le marché mondial du médicament. En 2013, celui-ci a continué de croître sur un rythme de croisière qu’IMS Health a évalué à +2,7 %. Une croissance qui place désormais le seuil symbolique des 1 000 milliards de dollars à une toute petite encolure. Un saut de puce au regard des quatre à six points de croissance annuelle prévus entre 2014 et 2017.
Comme lors de ces dernières années, « cette croissance est très nettement tirée par des pays émergents tels que la Colombie, l’Afrique du Sud, le Nigeria, l’Algérie ou encore l’Arabie Saoudite, qui devraient maintenir une croissance annuelle de 8 % à 10 % d’ici à 2017 », explique Vincent Bildstein, président d’IMS Health France. Sans oublier les BRICs (Brésil, Inde, Chine Japon) qui, doucement mais sûrement, supplantent peu à peu les pays industrialisés dans la hiérarchie mondiale, tirées par une production locale de génériques de marques.
Une France peu attractive.
Car les marchés matures ne font plus recettes aujourd’hui. À l’exception des États-Unis (+5 % en volume et +3,7 % en valeur) et de l’Allemagne (+5,3 % en volume et + 4,9 % en valeur), la croissance annuelle y est atone et ne devrait pas excéder 2 % au cours des prochaines années. Elle devrait même se révéler négative dans certains pays tels que la France qui vient d’enregistrer, pour la seconde année consécutive, une involution de la croissance (en volume comme en valeur) et semble donc de moins en moins attractive pour les industriels. « Et la tendance ne devrait pas s’inverser », selon IMS Health. Bien au contraire ! Outre une récession des ventes, le nombre d’unités vendues stagne, voire diminue.
Les pays européens, et en particulier l’Hexagone, ne semblent donc clairement plus être l’eldorado pour les laboratoires pharmaceutiques. La raison ? « Les baisses de prix, les déremboursements et autres politiques de maîtrise des dépenses de santé mises en place par les gouvernements successifs, quelle que soit leur couleur politique, ont porté leurs fruits », explique Claude Le Pen, économiste de la santé au sein de la société IMS Health. Notamment les dernières mesures décidées dans le cadre de la loi de financement de la sécurité sociale (LFSS) pour 2013.
Des génériques durablement installés.
Les choses ne risquent guère de s’arranger, puisque le taux de l’objectif national des dépenses d’assurance-maladie (ONDAM), qui était déjà tombé à +2,4 %, pourrait continuer à baisser et s’acheminer petit à petit vers le seuil des 2 %. Voire en deçà. D’autant que « douze milliards d’euros sur les cinquante qui devront être économisés, d’ici à 2017, pourraient (devraient) être trouvés dans le secteur de la santé », ajoute Claude Le Pen. Conséquence : la récession risque donc de s’amplifier après une croissance en valeur du marché du médicament nulle en 2010 et 2011 et négative en 2012 et 2013.
D’où également un marché du générique qui, fort d’un taux de pénétration au sein du répertoire de 80 % en volume et de 70 % en valeur, voire bien au-delà pour la trentaine de molécules qui sont visées par des accords conventionnels signés entre l’assurance-maladie et les syndicats de pharmaciens, s’ancre durablement dans le paysage médical et pharmaceutique français. Des chiffres qui, selon Claude Le Pen, démontrent que « les génériques ne pâtissent plus du phénomène d’érosion qui caractérisait ce marché jusqu’alors ».
Tous les segments dans le rouge.
Autant de raisons qui n’incitent pas à l’optimisme les différents acteurs de la santé, et en particulier les pharmaciens. Avec un chiffre d’affaires de 35 milliards d’euros (prix public) provenant à 83 % des produits avec autorisation de mise sur le marché (AMM), les officinaux ont en effet enregistré une baisse de leurs ventes de -0,9 % (en valeur), en 2013.
Une involution logique, puisque tous les segments qui composent le marché du médicament sont dans le rouge, la prime revenant aux produits prescrits et non remboursables qui reculent de -11,4 %. Ils ne pèsent certes que 2 % du chiffre d’affaires global, mais quand même… D’autant que les médicaments prescrits et remboursables, qui représentent les deux tiers des ventes d’une officine, enregistrent dans le même temps une baisse de 2 %, et que les ventes de produits OTC (15 % du chiffre d’affaires) diminuent de 0,4 %.
Nouveau modèle économique.
« Victimes directes de cette pression sur les prix et sous le coup d’une concurrence accrue, qui tend à remettre en cause leur monopole, les pharmaciens sont donc fortement impactés par les changements profonds et rapides de l’environnement du médicament », explique Claude Le Pen. Rien d’étonnant, dès lors, que pour palier cette fragilité économique les instances représentatives se soient efforcées de promouvoir la rémunération à la performance et de déconnecter, autant que faire se peut, la rémunération des officinaux de l’ordonnance et donc de la marge du médicament. Car la marge qui, selon IMS, « proviendrait à 71 % des princeps et à 29 % des génériques, a reculé de deux points en 2013 ».
D’où la volonté des syndicats de développer une véritable offre de services payants. Mais Claude Le Pen se déclare prudent sur la capacité de ces nouvelles mesures à compenser la baisse de marge des officinaux. « Avec la mise en place de forfaits par boîtes et par types d’ordonnances, de rémunérations forfaitaires pour prendre en charge les patients sous anticoagulants (AVK) et sous antiasthmatiques… l’assurance-maladie cherche à promouvoir les services aux patients, mais certains désaccords subsistent, notamment, en ce qui concerne les effets redistributifs en fonction des caractéristiques des officines. »
Seule certitude : le modèle économique de l’officine va changer en profondeur avec des patients qui seront de plus en plus des consommateurs, puisque les déremboursements, ont pour conséquence d’accroître la part des ménages dans le chiffre d’affaires officinal. « L’officine va donc de plus en plus se situer dans une économie de marché avec une diminution de l’importance des produits à prix administrés dans son chiffre d’affaires. »
Automédication à la peine.
Pour autant, selon IMS Health, les conditions nécessaires au décollage du marché de l’automédication ne semblent pas encore véritablement réunies. La raison ? « Les autorités françaises ne sont toujours pas sorties de l’ambiguïté qui les paralyse depuis des années », explique Claude Le Pen. En clair, ils hésitent toujours entre favoriser la vente de produits à prescription médicale facultative pour des raisons financières et la freiner pour ne pas nuire à un égal accès aux soins.
Une contradiction qui explique la faible croissance des produits de prescription médicale facultative (PMF) achetés sans ordonnance dont les ventes n’ont cru que de 1 %. D’autant que les prescriptions médicales de ces produits de PMF ont fortement diminué (-6 %) entre 2012 et 2013, après le déremboursement de certains produits comme le Tanakan, qui avait artificiellement gonflé ce segment en 2012. Preuve que les conditions nécessaires au changement de modèle économique ne sont pas encore clairement réunies.
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