Verbatim

L'inéluctable adaptation

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Publié le 31/10/2016
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Ils ont tous assisté à la Journée de l'économie de l'officine, organisée par le « Quotidien ». Inquiets pour certains, rassurés pour d'autres, ils livrent leurs réflexions à l'issue des conférences et des débats fertiles en enseignements. Leur point commun : il va falloir évoluer et s'adapter à la nouvelle situation.

 

 

 

Pascal Geffray, président d’Évolupharm

 

« Développer les services »

 

La pharmacie est en danger ! Les huit premiers mois de l’année n’incitent pas à l’optimisme. Bien au contraire, puisque le chiffre d’affaires moyen comme la marge sont clairement en baisse. Il est urgent pour les officinaux de se donner les moyens de leurs ambitions pour s’assurer un avenir.

Et cet avenir ne saurait exister hors des groupements car ce sont les seules structures capables de proposer aux officinaux une offre globale et structurée de solutions adaptées pour résister aux attaques que subit la Pharmacie et pour accompagner la mutation de la profession vers des services à haute valeur ajoutée.

Mais j’insiste sur le fait qu’un groupement ne saurait être confondu avec ces pseudo-structures locales, le plus souvent organisées en groupement d‘intérêt économique (GIE), et dont le but ne dépasse pas le stade de la rétrocession. Nos confrères, comme les industriels, doivent comprendre que ces pratiques nuisent à la qualité même de l’exercice officinal et que, à défaut de disposer d’une réelle traçabilité des produits, c’est la légitimité même du secteur qui finira par se voir remise en cause par les pouvoirs publics.

 

 

 

Christian Grenier, président de Népenthès et de Fédergy

 

« Les MDD sont un levier de croissance essentiel »

 

La pharmacie de 2020 est à construire. Les données présentées par les trois cabinets d’experts-comptables montrent bien que la pharmacie d’officine est à un tournant de son histoire. Car c’est son modèle économique qui est à revoir.

À l’instar des génériques, dont le prix fabriquant va irrémédiablement chuter et descendra sous la barre des trois euros, le médicament ne sera plus la principale source de revenu des pharmaciens puisque les baisses de prix engendreront nécessairement des baisses de marge.

D’autant que les remises aujourd’hui consenties par les industriels sur les médicaments réglementés vont mécaniquement fondre et passer d’environ 30 % à 20 %, avec à la clé une perte supplémentaire de 500 millions d’euros.

Il est donc urgent de mettre en place des solutions alternatives telles que les marques de distributeurs (MDD) qui procurent des marges de 70 % et finiront par peser autant avec des volumes nettement inférieurs. Sans compter que ces produits seront exclusivement distribués en officine. À charge dès lors aux pharmaciens d’adhérer à un groupement pour bénéficier de ce levier de croissance et de tous les autres comme la PDA ambulatoire.
 

 

 

 

Hervé Jouve, président de La Fayette

 

 

 

« Se réunir dans une plateforme commune »

 

Année après année, le même constat est dressé : la pharmacie va de plus en plus mal. Et les experts-comptables ont encore une fois enfoncé le clou. Mais il faudrait maintenant passer à la vitesse supérieure et envisager des perspectives.

Malheureusement, des querelles d’ego semblent aujourd’hui empêcher nos représentants de saisir à bras-le-corps cette problématique et d’imaginer des solutions pour sortir de cette situation de crise. Il y a pourtant urgence au regard des mesures de plus en plus contraignantes qui frappent le médicament. Tout l’enjeu est donc de trouver les moyens idoines pour financer les segments porteurs et les éventuels services que proposeront les pharmaciens.

Et je suis convaincu qu’il n’y aura pas une solution unique, mais plutôt des réponses mixtes, impliquant à la fois des complémentaires et les patients eux-mêmes. En cela la pharmacie va connaître la même évolution que d’autres secteurs économiques qui ont dû s’adapter à l’arrivée du e-commerce. À charge aux représentants de la profession de réfléchir ensemble à cette évolution, au travers d’une plateforme commune, et aux mesures à mettre en œuvre.
 

 

 

 

 

Jean-Christophe Lauzeral, directeur général de Giropharm

 

 

 

« Les groupements doivent atteindre une taille critique »

 

Au vu des chiffres qui ont été présentés, je ressors rassuré. La situation n’est certes pas bonne, mais il apparaît que les pharmaciens ont su s’adapter et commencer à changer leurs habitudes. Le combat n’est pas pour autant fini, et il va nous falloir relever les manches car certains segments vont nécessiter un accompagnement.

Je suis par exemple très sceptique vis-à-vis de l’OTC dont la croissance naturelle me semble surestimée. De même va-t-il nous falloir redoubler d’efforts pour gagner la bataille du générique car les industriels pourraient être tentés de répercuter sur les pharmaciens les économies qui leur sont demandées par l’État.

D’où la nécessité pour les groupements d’atteindre une taille suffisante - environ 1 500 adhérents - avec un maillage homogène afin d’être en capacité de proposer à leurs adhérents des solutions adaptés (sites marchand, « click and collect », formation…) ; car proposer des prestations de qualité au juste prix nécessite d’être structuré et suffisamment nombreux. Dans cette perspective, je n’exclus pas de mutualiser certaines opérations avec d’autres groupements.
 

 

 

 

 

Laëtitia Hibble, présidente de Giphar

 

 

 

« Éviter le risque d’ubérisation de la pharmacie »

 

Au-delà des chiffres permettez-moi d’abord de me réjouir de la présence de trois cabinets comptables qui, dans la diversité de leur périmètre, ont présenté des données similaires. Et là, force m’est de constater que la Pharmacie française ne se porte pas très bien. Il appartient donc à toute la profession de se mobiliser pour construire son avenir.

C’est à la fois indispensable et urgent pour éviter que d’autres acteurs n’arrivent. Pour éviter ce risque d’ubérisation, il me semble indispensable de faire plus et mieux que ce que nous faisons déjà. Dans cette perspective, il ne faut pas avoir peur d’innover, par exemple, en travaillant avec la Poste sur des scénarios pour livrer au domicile du patient les médicaments dont il a besoin.

Car ce sont les services qui permettront aux pharmaciens de faire la preuve de leur valeur ajoutée. À défaut, d’autres prendront notre place ! De même faut-il développer au sein des officines des actions de prévention, de dépistage et d’accompagnement, en particulier des patients chroniques et des personnes âgées. C’est tout l’intérêt des groupements qui déterminent des « priorités métiers » et proposent à leurs adhérents des formations pour mieux prendre en charge leurs patients.
 

 

 

 

 

Christophe Legall, président de Legall santé service

 

 

 

« Maîtriser toute la chaîne du médicament »

 

Comment les services seront-ils rémunérés ? Comment les pharmaciens les mettront-ils en place ? Quels sont les autres leviers de croissance à actionner ? L’avenir de la pharmacie pose clairement question.

D’autant que les chiffres montrent une légère involution du chiffre d’affaires et une stagnation de la marge. Il faut toutefois garder à l’esprit que ces données sont des moyennes et qu’aujourd’hui un tiers des pharmacies progressent pendant que deux tiers régressent.

Il est donc urgent d’imaginer des solutions qui permettent aux pharmaciens de mettre en avant leur savoir-faire et ainsi de capitaliser sur la plus-value pharmaceutique car l’heure n’est plus à la pharmacie épicerie. Le pharmacien doit se recentrer sur son métier d’acteur de santé et de fournisseur de services et de produits de santé.

C’est dans ce cadre que la profession doit s’organiser pour maîtriser toute la chaîne du médicament et disposer d’un marché très large incluant à la fois les pharmacies low cost et les officines à la pointe, à même de proposer tout un panel de services.
 

 

 

 

 

Michel Quatressous, président d’Optipharm

 

 

 

« Les services comme relais de croissance »

 

Quand bien même la campagne de communication des pouvoirs publics pourrait donner un petit coup de pouce, la marge de la manœuvre semble inexorablement se resserrer sur les génériques. Ce n’est donc pas dans ce segment que les officinaux devraient trouver une bouffée d’oxygène. Pas plus d’ailleurs que dans l’OTC.

Les services constituent à l’inverse un véritable relais de croissance pour la profession. À condition toutefois que l’Ordre nous laisse communiquer comme nous le souhaitons… Et là tout reste à imaginer ! Cela semble au moins faire consensus parmi les instances représentatives tant syndicales que des groupements.

Sans parler de fusion, cette évolution nécessitera en revanche que certains groupements travaillent ensemble afin de mutualiser les coûts et de disposer d’une taille critique à la fois pour négocier des conditions commerciales avec les industriels et pour travailler le mieux possible avec d’éventuels prestataires.


 

 

 

 

Jean-Luc Tomasini, président d’Europharmacie

 

 

 

« Distinguer le pharmacien clinicien du péri-pharmacien »

 

Les chiffres présentés par les experts-comptables montrent que la pharmacie d’officine évolue dans un contexte de plus en plus difficile et dans une enveloppe fermée. Il me semblerait donc opportun, de redistribuer les cartes et d’appliquer le concept schumpeterien de création destructrice.

On pourrait ainsi imaginer réserver le cœur de métier de pharmacien à une partie seulement du réseau actuel et laisser ceux qui ne veulent pas accomplir ces missions de service public s’occuper de la dispensation de produits de parapharmacie - diététique, compléments alimentaires, accessoires -, de médicaments OTC…

Avec une bascule d’environ 25 % du réseau vers la péri-pharmacie, les confrères désireux de se recentrer sur le cœur de métier de l’officine seraient plus à l’aise économiquement.

À charge pour ces confrères qui auront opté pour le versant scientifique du métier de se former régulièrement et de passer chaque année un examen dans le cadre de la formation continue obligatoire. C’est à ce prix que ces pharmaciens cliniciens pourront légitimement prétendre coopérer avec d’autres professionnels de santé.
 

 

 

 

 

Pascal Louis, président du Collectif des groupements

 

 

 

« Développer la formation et la qualité »

 

Globalement, il n’y a pas de raison de s’inquiéter outre mesure sur l’avenir du réseau de la pharmacie. Du moins à la lecture des éléments comptables. En revanche, l’analyse de ces données est plus sujette à question car elle démontre toute l’importance de la convention que les syndicats sont en train de négocier. Les officinaux vont en effet devoir de moins en moins compter sur le médicament et de plus en plus sur les services qu’ils proposeront.

D’autant que la manne des génériques est sur le point de se tarir pour les officinaux puisque les prix vont baisser, et donc les remises aussi. Cette évolution suffit à montrer combien seront importants les groupements car ils sauront tirer vers le haut leurs adhérents en développant à la fois la formation et la qualité auprès de leurs adhérents.

À charge alors pour ces structures de profiter de l’ouverture de la communication que semble envisager l’Ordre en distinguant le monopole du hors monopole. Les confrères pourront ainsi bénéficier d’un relais de croissance en communiquant sur un périmètre élargi.

 

Jacques Gravier

Source : Le Quotidien du Pharmacien: 3299