Le remboursable en question

Quels services pour compléter l’activité sur le médicament ?

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Publié le 31/10/2016
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Les représentants de la profession et les experts-comptables spécialisés en pharmacie s’accordent à dire que le médicament remboursable ne suffit plus pour permettre aux officines de vivre correctement. Pour trouver de nouveaux relais de croissance, il faut développer les services, notamment par un « accompagnement » du médicament. Explications avec les représentants des syndicats professionnels.

Pilier traditionnel de l’activité officinale, le médicament remboursable subit de plein fouet, depuis plusieurs années, les plans d’économies successifs de la Sécurité sociale. Les pharmaciens doivent donc continuer d’assurer la distribution du médicament aux patients, mais pas seulement : c’est, en substance, ce qu’ont affirmé les présidents des trois syndicats professionnels que « le Quotidien » a réunis lors de la 17e Journée de l’économie de l’officine.

Comme le rappelle Philippe Gartner, président de la Fédération des syndicats pharmaceutiques de France (FSPF), le rôle du pharmacien a d’ailleurs déjà commencé à évoluer. Avant la loi Hôpital, patients, santé et territoires (HPST) de 2009, le pharmacien d’officine était considéré uniquement comme un distributeur de médicament. Depuis cette loi, le pharmacien d’officine est défini par ses missions.

En outre, la rémunération du pharmacien ne dépend plus aujourd’hui seulement de la marge réglementée sur le médicament remboursable, mais comprend également une part sous forme d’honoraires rémunérant la dispensation, la participation au développement du générique, ou encore des entretiens pharmaceutiques. On a donc, rappelle Philippe Gaertner, « des évolutions importantes dans la structure des bilans des pharmacies puisque, aujourd’hui, 53 % de la rémunération du pharmacien n’est déjà plus dépendante des prix industriels des médicaments ».

Un complément indispensable

Pour la FSPF et l’USPO, les services doivent être un complément à l’activité traditionnelle des officines sur le médicament remboursable. Jean-Luc Fournival, président de l’Union nationale des pharmacies de France (UNPF) estime quant à lui qu’il faut aller beaucoup plus loin : « Il faut se tourner vers une pharmacie de services. Nous ne sommes plus des entreprises du médicament, nous sommes des entrepreneurs de santé. Et il faut aussi que le pharmacien se spécialise, être un généraliste du médicament n’est plus possible. »

Quels sont donc les nouveaux services à développer pour rebooster l’économie officinale ? Dans tous les cas, « le développement des services ne pourra se faire qu’au travers des groupements, car ils permettent d’optimiser le back-office des officines », souligne en préalable Gilles Bonnefond, président de l’Union des syndicats de pharmaciens d’officine (USPO).

Principal service identifié : le maintien à domicile des patients. C’est un champ d’activité que la profession doit réinvestir. Pour Philippe Gaertner, c’est d’ailleurs dans la logique de ce qu’on appelle le « virage ambulatoire », c’est-à-dire le maintien de la personne dans son lieu habituel de vie. « On parle beaucoup de ce virage ambulatoire, mais on n’en voit pas beaucoup la traduction dans les différentes lois de financement de la Sécurité sociale », affirme le président de la FSPF. « Et ce n’est pas parce qu’on met un ONDAM* de ville à 2,1 % et un ONDAM hospitalier à 2 % dans le projet de loi de financement de la Sécurité sociale qu’il y a un virage ambulatoire. Si l’on fait sortir les patients plus tôt de l’hôpital, on ne peut pas en même temps s’inquiéter de l’augmentation des actes infirmiers. Le transfert d’activité doit correspondre à un transfert économique », poursuit Philippe Gartner.

Plus largement, selon les syndicats, le pharmacien de demain devra être présent dans la coordination des soins avec les autres professionnels de santé. Et il devra surtout être un acteur majeur de la stabilisation de l’entrée et de la sortie de l’hôpital, avec un bilan pharmaceutique - ou de médication - lors de cette sortie. C’est la vision défendue notamment par la FSPF. « Le bilan de médication doit être un des objectifs conventionnels. C’est pourquoi les systèmes d’information seront essentiels dans les échanges avec l’hôpital, comme ils le seront dans les échanges avec les autres professionnels de santé », précise le président de la FSPF.

Les autres chantiers

Un autre levier de croissance pour les pharmaciens devrait être le développement du bon usage des médicaments en distinguant, selon la FSPF, les médicaments à statut remboursable et tout le champ de l’automédication. Pour Philippe Gaertner, « il faut certainement développer une part d’automédication raisonnée d’entrée dans le parcours de soins par la porte de la pharmacie d’officine ».

Autre piste : les entretiens pharmaceutiques, qu’il faut, toujours pour le président de la FSPF, « remettre à l’ordre du jour et étendre, mais en améliorant leur rémunération ». Plus généralement, les syndicats plaident pour un accroissement des services d’accompagnement du médicament, au-delà de la simple dispensation. Les thérapies innovantes doivent en faire partie, puisqu’elles nécessitent un accompagnement par les pharmaciens.

Autre piste encore : la prévention et le dépistage. « En ce qui concerne le sevrage tabagique par exemple, le pharmacien ne peut pas aujourd’hui être rémunéré sur ses conseils puisque le patient n’est remboursé qu’avec une ordonnance du médecin », regrette Gilles Bonnefond.

Quelle rémunération ?

Reste la question de la rémunération de ces nouveaux services. Pour les syndicats, il est clair que cette rémunération devra aussi contribuer à stabiliser l’économie officinale. Mais ce n’est pas un chantier facile : par exemple, lorsque le pharmacien a des patients âgés à qui l’on réduit le volume des prescriptions, le pharmacien ne doit pas être pénalisé par le bon usage des médicaments.

Le mode de rémunération sur et autour du médicament remboursable devra également être revu, selon les syndicats. « Sur le médicament remboursable, nous avons besoin d’honoraires à l’acte de dispensation pour permettre au pharmacien de se rémunérer correctement », avance Gilles Bonnefond. « La première étape qui a déjà été réalisée depuis 2015, avec l’introduction d’honoraires à la boîte et pour ordonnance complexe, a permis de limiter les pertes pour les officines. Aujourd’hui, elle doit nous permettre d’aller plus loin », renchérit Philippe Gaertner.

Les nouveaux services autour et à côté du médicament et leur rémunération : ce sera assurément l’un des points clés des discussions sur la convention pharmaceutique dans les prochaines semaines.

* Objectif national de dépenses d’assurance-maladie, inscrit dans le projet de loi de financement de la Sécurité sociale.

F.S

Source : Le Quotidien du Pharmacien: 3299