Fausse alerte : en 2016, les étudiants ne seront pas tirés au sort pour entrer en première année commune de santé (PACES) en île-de-France. Mais on peut redouter que cette idée, qui a germé dans les universités, redevienne en débat dès l'année prochaine dans les filières de santé.
La pratique est déjà d’actualité dans certaines formations, comme le cursus STAPS (sport), la sociologie, la psychologie, le droit, surtout dans certaines universités victimes de leur succès. Trop de demandes et trop peu de place… La sélection sur dossier n’étant pas autorisée, ces universités à capacité d’accueil limitée se sont orientées, en dernier recours (après le lieu de résidence et l’ordre des vœux), vers ce moyen certes arbitraire, mais légal : le tirage au sort.
La pire des solutions
Pour la PACES, l’affaire éclate le 4 mai 2016 lorsque le service interacadémique d’affectation des étudiants en première année de santé (SADEP) annonce dans « Le Monde » que les candidats seront tirés au sort en île-de-France. Le rectorat a en effet fixé une capacité d’accueil limitée à 7 500 étudiants en PACES. Or, cette année, 8 000 futurs bacheliers ont inscrit la PACES Ile-de-France en vœu numéro 1 sur le dispositif Admission Post Bac (APB). S’ils maintiennent tous leur choix, les 500 étudiants surnuméraires devraient être recalés à la porte de la PACES sans même avoir pu tenter le concours de médecine, dentaire, pharmacie, sage-femme, etc. Cette annonce a déclenché un tollé général : « le tirage au sort est la pire des solutions, c’est un constat d’échec », déplore Macha Woronoff-Lemsi, présidente de la Conférence des doyens de pharmacie. « Ce recours est aberrant, il a pour conséquence de supprimer des vocations », regrette Guillaume Icher, vice-président de l’Association nationale des étudiants en pharmacie de France (ANEPF).
Thierry Mandon, secrétaire d’État à l’enseignement supérieur n’a pas tardé à réagir par voie de presse (« Libération ») : « Je ferai tout pour que le tirage au sort pour accéder en PACES n’existe jamais. »
Au terme de quelques jours, la polémique a fini par retomber, le rectorat ayant annoncé qu'il ne recourerait pas à cette option. « La première répartition de 7 500 places devrait être suffisante », a-t-il indiqué, étant donné que, en général, certains étudiants renoncent à ce choix pour aller dans des filières hors APB (Sciences Po, écoles de commerces, etc.). Et s’il existe un surplus d’étudiants, le nombre de 7 500 pourra être ajusté. Mais on peut s’interroger pour les années à venir, étant donné que les capacités d’accueil sont saturées. En Ile-de-France, comme dans les autres régions.
La question du sureffectif
Aujourd’hui, face à cet afflux en première année, les universités peinent à s’organiser. Les amphithéâtres sont bondés et certaines facultés n’hésitent pas à recourir à la visioconférence afin que tous les étudiants aient accès aux enseignements. « À Clermont-Ferrand, un cours de PACES dispensé dans un auditorium est retransmis dans trois autres amphithéâtres de la faculté ainsi qu’à la faculté de Vichy. On cumule ainsi 1 250 étudiants qui suivent le même cours », illustre Guillaume Icher. D’autres facultés, comme à Grenoble, ont opté pour des cours sur DVD et une possibilité de « chatter » avec les enseignants.
Mais peut-être faudrait-il agir en amont en informant les étudiants sur la PACES, afin qu’ils soient mieux orientés dans leur choix d’études. Dans certains départements, des étudiants (notamment ceux issus du tutorat et des associations d’étudiants) vont à la rencontre des lycéens pour leur présenter les différentes filières de santé et les informer sur les difficultés des études et le besoin de motivation. « Cette démarche primordiale n’est pas assez développée sur tout le territoire », évoque Macha Woronoff-Lemsi. Par ailleurs, une meilleure information sur les nombreux débouchés de la pharmacie permettrait d’éviter de choisir pharmacie par défaut, comme c’est le cas une fois sur trois, selon une enquête réalisée par l’ANEPF.
Mais au final, c’est tout le système de la PACES qui est remis en cause, tant par les universitaires que par les étudiants. Le système est « à revoir », selon Macha Woronoff. Pour Nassim Mekeddem, il est « dépassé ».
Déjà, « la PACES est un mode de sélection fondé sur un bachotage et non sur la réflexion, il y a une nette régression de la qualité d’information depuis son instauration », regrette Jean-Michel Scherrmann, doyen de la faculté de pharmacie de Paris Descartes. Même remarque pour Macha Woronoff-Lemsi : « l’examen de fin de PACES, reposant essentiellement sur des QCM, excepté l’épreuve de sciences humaines et sociales, n’amène pas à la réflexion. Ce mode de sélection n’est pas satisfaisant », analyse-t-elle. De plus, le contenu des cours, trop dense, doit être allégé pour se concentrer sur les messages essentiels à retenir. « Il faudrait aussi serrer les équipes pédagogiques car beaucoup trop d’enseignants interviennent en PACES, pour un nombre d’heures trop restreint », ajoute la présidente de la conférence des doyens.
Avec la première promotion de diplômés issus de la PACES qui sortira des facultés cette année au mois de juin, il est sans doute temps de faire le bilan et de redresser la barre. « Nous étudions, au sein de la conférence des doyens, les mesures visant à la refonte de la PACES. Les autorités de santé attendent également nos propositions de réforme », évoque Jean-Michel Scherrmann.
Ces propositions seront notamment inspirées des expérimentations menées sur le territoire, avec un certain succès. Tel le « Pluripass » à Angers où la PACES a laissé la place à une licence ouvrant sur plusieurs champs disciplinaires : santé, STAPS, sciences et techniques, math, physique, etc. Ou encore les « alter PACES » de Paris Descartes, Paris 13, Tours ou Strasbourg, qui permettent à des étudiants de licence d’intégrer la filière santé moyennant le suivi de modules complémentaires en e-learning. Pour le moment, ces expérimentations concernent un nombre limité d’étudiants. Mais l’objectif est de les développer, car elles représentent une solution aux écueils de la PACES. Reste à définir la façon de les mettre en place à plus grande échelle : faut-il instaurer un socle commun d’alternatives à la PACES ? Ou laisser chaque faculté instaurer son propre système et le soumettre à une validation ? Après 6 ans de PACES, tout reste à reconstruire.
*Grand entretien de l’ANEPF 2013-2014.
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