Deux médicaments sont indiqués dans le contexte d’une réduction des risques (RdR) induits par l’alcoolodépendance : le baclofène (Recommandation temporaire d’utilisation = RTU depuis mars 2014) et le nalméfène. Au-delà du soutien pharmacologique qu’ils apportent, une psychothérapie et une assistance sociale restent nécessaires pour accompagner le sujet alcoolodépendant.
Baclofène
Le baclofène (Liorésal) est un agoniste Gabaergique dont la prescription, dans un contexte d’alcoolodépendance, est encadrée par la RTU et bénéficie d’un remboursement. Il est prescrit chez le patient alcoolodépendant dans deux indications :
- Aide au maintien de l’abstinence après sevrage chez des patients dépendants à l’alcool et en échec des autres thérapeutiques disponibles ;
- Réduction majeure de la consommation d’alcool jusqu’au niveau faible de consommation tel que défini par l’OMS chez des patients alcoolodépendants à haut risque et en échec des autres thérapeutiques disponibles.
La RTU définit les modalités de prescription du traitement et de surveillance du patient qui bénéficie d’une prise en charge psycho-sociale. Le baclofène est prescrit avec prudence chez le patient insuffisant hépatique ou rénal (CI si insuffisance hépatique ou rénale sévère), en cas d’antécédents d’ulcère gastro-duodénal, d’état confusionnel ou de trouble psychotique, de dépression, d’affection vasculaire cérébrale ou d’insuffisance respiratoire ainsi, bien sûr, qu’en cas d’association à d’autres médicaments dépresseurs du système nerveux central.
Le traitement est initié à 15 mg/j avant une augmentation de 5 mg/j par paliers de 2-3 jours jusqu’à 30 mg/j puis de 10 mg/j par paliers de 3 jours, jusqu’à obtention d’une réponse clinique dans un délai variant d’un patient à l’autre. Selon la survenue d’effets indésirables, la posologie est stabilisée ou diminuée progressivement.
À partir de 120 mg/j, l’avis d’un médecin expérimenté dans la prise en charge de l’alcoolo-dépendance est sollicité ; au-delà de 180 mg/j, un avis collégial au sein d’un Centre de Soins d’Accompagnement et de Prévention en Addictologie (CSAPA) ou d’un service hospitalier spécialisé en addictologie est requis. La posologie de 300 mg/j n’est jamais dépassée. Une fois l’objectif thérapeutique atteint, une diminution de posologie est envisagée et régulièrement réévaluée. Le traitement est arrêté progressivement si aucune réponse clinique est observée.
Cependant, l’ANSM a reconnu en novembre dernier que ni les patients ni les médecins n’ont adhéré à cette RTU : elle sera donc à court terme révisée et simplifiée de façon et ainsi rendue plus utilisable en pratique.
Nalméfène
Le nalméfène (Selincro) module le système opioïergique physiologique : il réduit le comportement d’auto-administration d’éthanol chez le rat non-dépendant au même niveau que la naltrexone ; en revanche, l’auto-administration est réduite de façon supérieure à celle obtenue avec cet antagoniste µ chez le rat alcoolodépendant (c’est son activité sur les récepteurs κ qui contribue probablement à cette réduction dans un contexte de dysrégulation du système dynorphine/récepteur κ : il limite les effets renforçateurs négatifs de l’alcool).
Il s’agit du premier médicament indiqué dans la réduction de la consommation d’alcool chez le patient ayant une dépendance à l’alcool avec une consommation d’alcool à risque élevé, ne présentant pas de symptômes physiques de sevrage et ne nécessitant pas un sevrage immédiat (en association avec un suivi psychosocial continu axé sur l’observance thérapeutique et la réduction de la consommation d’alcool).
Ce traitement constitue une approche pragmatique de la prise en charge de l’alcoolodépendance en ce qu’il offre au patient le choix du but de son traitement (abstinence totale ou réduction de la consommation).
Utilisable en première intention, le traitement est pris lorsque le patient en ressent le besoin : chaque jour où ce dernier perçoit un risque de boire, la prise de nalméfène se fait de préférence 1 à 2 heures avant le moment où le patient anticipe une consommation. Si le patient a commencé à boire avant la prise de nalméfène, il prend un comprimé dès que possible. La dose maximale est d’un comprimé (18 mg) par jour. L’amélioration la plus importante est observée au cours des 4 premières semaines : la réponse du patient et la nécessité de poursuivre le traitement sont évaluées régulièrement.
Le nalméfène est contre-indiqué en cas d’insuffisance hépatique sévère et/ou d’insuffisance rénale sévère. La prudence s’impose chez un sujet présentant une insuffisance rénale légère à modérée (i.e. monitoring plus régulier), mais il n’y a pas lieu d’adapter la dose. Son action sur les récepteurs µ étant antagoniste de celle des opioïdes µ (i.e. opioïde antalgique, opioïde antitussif ou antidiarrhéique), l’association est contre-indiquée.
Les événements indésirables les plus fréquents sont des nausées, vertiges, insomnies et céphalées. La survenue d’un état confusionnel et, rarement, d’hallucinations ou d’un état dissociatif est possible : ces signes, évoquant une psychose alcoolique, un syndrome de sevrage alcoolique ou un trouble psychiatrique comorbide, restent d’intensité légère à modérée et s’observent dans les quelques jours suivant la première prise. Ils disparaissent généralement dans la première semaine et ne réapparaissent pas lors de la poursuite du traitement.
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