La conduite d’alcoolisation chronique prend naissance de façon insidieuse et asymptomatique, dans un contexte où l’ivresse récurrente demeure généralement rare voire absente. Elle évolue en allant d’une consommation non pathologique à la dépendance.
L’American Psychiatry Association (APA) a revisité dans son DSM-5 (2013) les catégories diagnostiques caractérisant les conduites d’alcoolisation en créant un concept unique de « troubles liés à l’usage d’alcool », avec un gradient d’intensité continu allant du trouble léger au trouble sévère, qui fédère les critères d’usage abusif et de dépendance. Il intègre un nouveau critère : celui du craving ou besoin compulsif de consommer de l’alcool.
La Société française d’alcoologie (SFA), dans une perspective plus proche de celle de la CIM-11 distingue trois figures de l’usage des boissons alcoolisées : usage à risque, usage nocif et dépendance.
Usage à risque
L’usage « à risque » est une conduite d’alcoolisation où la consommation n’a pas encore de conséquences médicales, psychique ou sociale dommageables mais où elle risque d’en entraîner. Il existe plusieurs approches quantitatives du seuil de risque qui, au fil du temps, deviennent plus limitatives. Il s’agit de seuils de nocivité statistiques pour un risque différé et cumulatif, servant de base pour l’appréciation médicale de l’alcoolisation chronique d’un sujet. Ainsi, les repères proposés par l’OMS visent un seuil de 14 verres standards/semaine chez la femme (soit 20 g d’alcool/j) et de 21 verres standards/semaine chez l’homme (soit 30 g/j), avec au moins un jour par semaine sans prise d’alcool ; dans les deux cas, s’agissant d’un usage ponctuel, en une occasion, il est recommandé de ne pas excéder 40 g d’alcool quel que soit le sexe de l’usager (nous n’évoquons pas ici le cas particulier de la limite légale d’alcoolémie lors de la conduite automobile). Il s’agit bien de simples repères à destination des médecins et en rien de seuils en-deçà desquels il est possible de consommer de l’alcool sans risque.
Pour s’en tenir par exemple au domaine de la cancérologie, l’alcool est classé cancérigène par le Centre international de recherche sur le cancer (CIRC) : sa consommation est associée à l’augmentation de l’incidence des cancers des voies aérodigestives supérieures, du cancer du foie et du cancer du sein ou colorectal. Il constitue la deuxième cause évitable de mortalité par cancer après le tabac. Le risque augmente linéairement avec la dose d’alcool consommée et il n’existe pas de seuil en-deçà duquel il serait nul (la prise régulière d’un seul verre par jour, soit 10 g d’éthanol, augmente très significativement le risque).
Usage nocif
L’usage est dit nocif (excessif, abusif) lorsqu’il est à l’origine d’au moins un dommage médical, psychique ou social sans qu’il y ait dépendance, et ce quel que soit le niveau de consommation (la quantité nocive peut donc être inférieure à la quantité consommée dans un contexte d’usage à risque : elle est conditionnée par la vulnérabilité individuelle et le contexte).
Alcoolodépendance
La dépendance alcoolique est un état pathologique chronique caractérisé par une perte de la maîtrise de la consommation, que ne définit donc pas un seuil ou une fréquence de consommation, ni l’existence de dommages induits par la consommation (même s’ils lui sont souvent associés bien sûr). Elle est liée à plusieurs facteurs de vulnérabilité : génétiques, environnementaux (statut socio-économique notamment), comportementaux et biologiques (âge, sexe, comorbidités psychiatriques, etc.).
Quelque 3,5 % à 5 % de la population est psychiquement dépendante : il s’agit de sujets qui, bien que convenant d’un usage « problématique », ne parviennent pas à cesser ou à contrôler leur consommation. 1,5 % à 2 % de la population est dépendante physiquement : la suppression de l’alcool se traduit, en plus des signes psychiques, par des signes de sevrage.
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