Face à l’irruption des nouvelles technologies dans le back-office, et à présent dans l’espace de vente, l’encaissement et le paiement, à la frontière entre les deux, semblent ronronner dans des solutions classiques éprouvées depuis des années. Un sommeil trompeur peut-être, actuellement, une révolution tout en douceur s’installe, le sans contact.
Les terminaux de paiement lisent désormais sans difficulté le « sans contact » proposé par les cartes bancaires et évitent la validation du code bancaire par les clients : une étape en moins, un gain de temps non négligeable pour tous. Le « sans contact » est autorisé pour les sommes inférieures à 20 € et se répand dans les commerces traditionnels, notamment dans la grande distribution.
Pour Nicolas Dejonghe, directeur marketing France d’Ingenico Group, le marché français est en plein boom actuellement. « Il fallait que le parc de cartes bancaires puisse être adapté au " sans contact ", ce qui est maintenant le cas. Selon les données du GIE Cartes Bancaires, 55 % des cartes étaient équipées de la fonction " sans contact " en janvier dernier, contre 2 % en janvier 2012. » Une progression amenée à se renforcer puisque, toujours selon Nicolas Dejonghe, le GIE Cartes bancaires a rendu obligatoire l’installation de terminaux « sans contact » pour tout nouveau déploiement depuis le 1er janvier 2016.
Une technologie ancienne, une demande récente
Technologiquement, le sans contact existe depuis longtemps. « Nous avons sorti notre premier terminal sans contact en 2003 », évoque Nicolas Dejonghe. Et cela grâce à la technologie NFC, basée sur la radio fréquence, qui permet de capter un signal à courte distance, inférieure à 10 cm. Son expansion dépend désormais de la vitesse d’adoption par le public.
L’impulsion qu’a donnée le GIE Cartes Bancaires risque fort d’accélérer le mouvement, même si le grand public reste attaché aux espèces. « Une enquête de l’IFOP datant de l’année dernière montrait que 90 % des gens préfèrent encore payer en espèces », souligne Sophie Roussel, directrice marketing et communication de Smart RX, (le nouveau nom du pôle pharmacie de Cégédim).
4 % des transactions
Un vrai travail de pédagogie semble nécessaire pour aller au-delà de l’effet déconcertant pour les uns, amusant pour les autres de pouvoir passer sa carte au-dessus du terminal sans autre manœuvre pour pouvoir payer des petites sommes. Dans la pharmacie peut-être plus encore que dans beaucoup d’autres secteurs.
« En janvier dernier, la pharmacie ne représentait que 4 % des transactions réalisées avec le " sans contact " », révèle Nicolas Dejonghe. Tout dépend du volume d’espèces gérées et manipulées par l’officine, si celle-ci réalise 80 % ou plus de son chiffre d’affaires avec le tiers payant, le sujet du « sans contact » est mineur.
Pour les grandes ou moyennes officines disposant d’une offre para importante, il a au contraire son importance. « Le panier moyen en paiement bancaire est de 23 € en pharmacie », souligne Boris de Bossoreille, responsable marketing santé France d’Ingenico Healthcare, soit un peu plus que le plafond autorisé. « Une crème et un médicament OTC, et nous arrivons vite au-delà des 20 €, certes, cela freine quelque peu le déploiement du sans contact, néanmoins la demande est vive. »
Pouvoir fluidifier l’acte d’achat est un avantage tangible, précieux même, tant il permet d’améliorer le flux, une thématique qui reste cruciale pour les pharmaciens selon Sophie Roussel, pour qui le panier moyen est inférieur aux 20 € utilisés. « De nombreux petits achats accompagnent les ordonnances, ils représentent des petites sommes et le sans contact dans ce contexte est intéressant, il peut aussi éviter des erreurs de caisses », confie-t-elle.
La solution est d’autant plus simple pour les pharmaciens qu’il leur faut juste renouveler leur terminal de paiement, Ingenico précise que la plupart de ses produits intègrent désormais le « sans contact ». Du point de vue logiciel, c’est totalement transparent pour eux, « le logiciel n’a pas besoin de s’adapter », déclare David Derisbourg, responsable marketing chez Isipharm. Ou si adaptation il y a, elle est d’une grande simplicité.
Questions autour de la sécurité
Incontestablement souple, le sans contact n’est pas sans défaut cependant, notamment du point de vue de la sécurité. « Le NFC est peut-être même moins sécurisé que le paiement bancaire traditionnel », pointe David Derisbourg. Un article publié en juillet dernier par le Journal du CNRS dévoile un certain nombre de problématiques parmi lesquelles celle d’une possible interception des données bancaires par un hacker passant près de soi dans la rue, pour les transmettre à une autre personne en train de réaliser un achat.
Ces problématiques représentent certes des cas de figure virtuellement minimes, mais elles existent, et peuvent représenter un frein au développement du « sans contact » pour peu que le grand public en prenne conscience. Elles ne concernent pas cependant le paiement en pharmacie, ni les fabricants de terminaux de paiement, encore moins les éditeurs de logiciels, mais seulement les fabricants de puces NFC.
Si le « sans contact » est une vraie nouveauté dans les officines, il n’en est rien des caisses automatiques de gestion d’espèces, dont la première a été lancée il y a trois ans par Alliadis (Smart RX) en cela suivi par la plupart des autres éditeurs de LGO. Ces systèmes s’adressent à un autre profil d’officines, plus grandes, confrontées à une gestion d’espèces plus importante, et soucieuses de la rationaliser à différentes étapes, afin de réduire les erreurs de caisse et sécuriser l’ensemble du processus.
Pour David Derisbourg, la demande de ces systèmes a diminué depuis que les aides régionales (notamment en Île de France) ont cessé. Un constat qui n’est pas partagé par Pharmagest et Smart RX. « En effet, les aides franciliennes ont cessé en août 2014, elles prenaient en charge environ 50 % du coût global. Néanmoins, compte tenu des " trous " importants dans la caisse constatés dans certaines pharmacies, ce type de système reste économiquement intéressant, surtout s’il est connecté au LGO », souligne Jérôme Lapray, responsable marketing de Pharmagest.
Pour Sophie Roussel, la demande est toujours là, notamment en Province. Les éditeurs sont du reste toujours très présents sur ce créneau, Pharmagest va changer de fournisseur ce printemps et proposer un modèle plus performant et plus rapide, Winpharma, La Source Informatique et Isipharm lui-même ont référencé des machines de gestion d’espèces.
Interagir avec les clients
Dernière solution potentielle pour faire évoluer le paiement, le sans contact encore, mais cette fois à partir des smartphones. Seul le support change en réalité pour le client puisqu’au lieu de sortir la carte bancaire, il sort son smartphone, et le terminal de paiement le lit de la même manière, il s’agit en effet de la même technologie, le NFC.
« Le smartphone présente l’avantage d’aller au-delà du paiement et de pouvoir interagir avec le client de façon personnalisée », évoque Jérôme Lapray. Là aussi les technologies existent, les applications ne demandent qu’à naître, il faut cependant que les usages se créent et se répandent. On est encore dans la phase de tous les possibles, de tous les projets. Le smartphone symbolise l’éclatement possible du paiement dans l’officine, mais il n’est cependant pas le seul support à pouvoir incarner cet éclatement.
C’est ainsi que Pharmagest travaille sur le lancement prochain de linéaires digitaux, à partir duquel des produits peuvent être présentés avec du contenu enrichi, et alimenter un panier. « Aujourd’hui, l’encaissement ne se fera pas directement sur l’écran. Les clients seront invités à se rendre à une caisse dédiée à cette activité, l’équipe officinale étant informée en live de la préparation de la commande sur son logiciel », souligne Jérôme Lapray.
Ingenico travaille sur un projet parallèle, un écran publicitaire interactif qui permettra des transactions bancaires « sans contact ». « Des tests ont lieu actuellement notamment dans des lieux publics pour des dons à destination de l’Institut Curie », révèle Boris de Bossoreille. Il sera possible de faire des transactions sur ces écrans, ou tout au moins de les commencer, quitte à les achever sur le comptoir. Pour le spécialiste des paiements, la pharmacie va se trouver de plus en plus confrontée à la gestion des paiements sur plusieurs canaux de vente, l’officine et Internet, un éclatement qui nécessite une véritable gestion de la « cross canalité », un concept cher à ingenico.
Et ce n’est pas fini. D’autres réfléchissent à déployer des solutions mobiles pour le paiement, à l’instar de Smart RX, afin d’optimiser encore les flux, des solutions existent déjà ailleurs, Tiller Systems propose par exemple une solution de paiement mobile connectée, pas encore adaptée au monde des officines.
Enfin, la cross canalité peut se faire aussi au comptoir, utiliser les terminaux bancaires pour proposer aux clients d’autres fonctionnalités. Ce n’est sans doute pas le meilleur moment de la relation entre le pharmacien et son client ou son patient, mais on peut néanmoins imaginer des applications pertinentes, comme l’a fait Jade-I avec son Visitor Book, une solution qui permet de poser une question de satisfaction avec une notation simple. Le paiement, un tremplin pour de nouvelles idées et de nouveaux services ?
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