Nous vivons dans un monde connecté, une évidence qui s’impose chaque jour un peu plus. Ordinateurs, bien sûr, téléphones, télévision par satellite, voitures équipées d’un GPS, mais aussi quantité d’objets - bracelets, lecteurs de glycémie et même réfrigérateur et chauffage des maisons commandés à distance par smartphone - reçoivent et délivrent des données par connexion.
L’accès au flux électronique et ses insondables capacités donne lieu à un champ d’outils et de services sans cesse plus large que l’officine est également en train d’investir. Si certaines tâches comme la télétransmission Vitale, le dossier pharmaceutique ou la gestion informatisée des commandes sont déjà bien intégrées à son fonctionnement, d’autres sont en plein développement : sites Internet au nom de l’officine, mais aussi sites pharmaceutiques de vente en ligne, cabines de télémédecine et autres applications futuristes qui préfigurent, peut-être, l’avenir du métier d’officinal.
Dans ce scénario en devenir, l’adjoint pourrait jouer un rôle prépondérant. Plutôt jeune en terme de moyenne d’âge, il est familiarisé depuis l’enfance au maniement des outils numériques et parfaitement conscient de leurs possibilités une fois appliqués au contexte officinal. Dégagé de certaines responsabilités propres au titulaire, il peut, en outre, s’investir dans bon nombre d’activités connectées. De ce fait, plusieurs adjoints ont déjà fait un pas vers ce qui pourrait s’avérer être l’exercice professionnel de demain.
Clément Lemaire a ainsi été recruté il y a un peu plus d’un an pour assurer le fonctionnement du site pharmaceutique de vente en ligne lasanté.net. « Cette activité n’a rien à voir avec la préparation des commandes via un site Internet. Elle s’apparente plutôt aux cas de comptoirs. » L’adjoint reçoit les commandes des internautes, les vérifie et les valide dès qu’un médicament est mentionné.
« Il faut être vigilant pour repérer les aberrations ou les bizarreries qui peuvent apparaître dans les demandes. Il peut s’agir d’un produit déconseillé au profil de la personne ou d’une trop grosse quantité de molécules pour un seul patient. » Dans ce cas il faut bloquer la commande et s’adresser directement à l’internaute.
Made in officine
Impossible de ne pas être pharmacien pour assumer la responsabilité d’un site de vente en ligne, d’autant que chaque délivrance de médicament implique un conseil en matière de posologie, interactions, effets indésirables… « C’est une activité à part entière qui est très différente du travail en officine, précise Clément Lemaire. En tant qu’adjoint, elle me permet d’exercer sans être en permanence au comptoir et elle laisse au titulaire la gestion de la pharmacie physique. »
Une confortable répartition des tâches qui ne fait pourtant pas d’ombre au principal intérêt du poste, qui est de participer à la naissance d’une nouvelle forme de dispensation. Autorisée depuis le 1er janvier 2013 en France, la vente en ligne de médicaments non soumis à prescription est un domaine émergent et sa pratique demande une adaptation constante. « C’est tout sauf simple mais j’ai la conviction d’assister à la création d’un métier inédit dans la branche officinale. D’ailleurs j’ai participé à l’élaboration de la moitié des outils informatiques que j’utilise. »
Diversifier l’exercice en pharmacie est une chose. Réécrire un des systèmes de fonctionnement de l’officine en est une autre. Un objectif que Guillaume Vallet s’est fixé en créant l’application MaCroixVerte. L’idée a germé à partir d’une simple constatation : « Souvent, l’intérêt du pharmacien ne coïncide pas avec celui du client et, généralement, c’est ce dernier qui l’emporte. »
En prise avec la forte relation qui unit, via la publicité, fournisseurs et consommateurs, l’officine a parfois du mal à défendre son choix de produits et à jouer son rôle d’acteur de santé. Pour lui permettre de reprendre la maîtrise de son conseil, l’adjoint parisien a mis au point une plate-forme de référencement capable de faire le lien entre pharmaciens, consommateurs et fournisseurs et d’harmoniser leurs besoins.
À l’aide d’une application digitale qui lui est propre, chaque acteur peut communiquer avec la plateforme selon son intérêt : mise en avant de ses produits et services de santé pour l’officine, sélection d’un produit ou d’un service selon des critères précis et géolocalisation sur son trajet par smartphone pour le consommateur, opération de promotion ciblée pour le fournisseur.
« Un système pour être efficace doit contenter toutes les parties en jeu. Mais les modèles en ligne proposés aujourd’hui sont trop focalisés sur la satisfaction du client, avec au final un surplus de charges à assumer pour la pharmacie (financières, mobilisation humaine)… » Un raisonnement que l’adjoint a pu nourrir petit à petit en prenant conscience du fonctionnement d’une pharmacie et de ses besoins. « En tant qu’adjoint, on a une position idéale pour occuper tous les postes et comprendre les points faibles de l’officine. Après, il suffit d’être familiarisé avec les outils connectés d’aujourd’hui et, bien sûr, vouloir améliorer le système. »
E-santé
Plus matérielle, moins numérique, l’activité connectée peut aussi prendre des formes surprenantes auxquelles l’adjoint pourrait être amené à se familiariser à l’avenir. Geneviève Lafond, pharmacien adjoint à Roanne, a ainsi vu l’installation d’une cabine de télémédecine sur son lieu de travail.
Capable de réaliser quantité de mesures médicales (tension artérielle, pulsations cardiaques, poids, taille, température, saturométrie…), la machine délivre ses résultats en deux exemplaires, destinés au patient ainsi qu’au médecin traitant. « Une fois l’agrément de l’ARS obtenu, cet appareil devrait établir une connexion avec un médecin qui pourra effectuer une consultation à distance à l’aide des données de santé recueillies sur place via une plateforme sécurisée. »
Une petite heure de formation a été nécessaire pour se faire expliquer le fonctionnement de la cabine et les gestes à effectuer pour accompagner la personne dans son examen. « Il faut installer le patient dans un fauteuil, et il n’a plus qu’à suivre les instructions sur un écran. On l’assiste au long de la procédure de prise des mesures qui prend une quinzaine de minutes. L’interprétation des résultats revient au médecin traitant. »
Conçue pour assurer un suivi des personnes atteintes de pathologie chronique, la cabine de télémédecine devrait bientôt voir son champ de compétence élargi au dépistage de la rétinopathie diabétique. « Les possibilités de cet appareil nous permettent de réaliser une surveillance du patient plus précise et un accompagnement plus poussé que lors d’un simple échange au comptoir. »
Assurer le suivi des personnes diabétiques en lien avec un réseau de santé connecté, c’est une mission que Guillaume Hecquet, adjoint dans la ville de Montereau, trouverait légitime de remplir. Mais, pour l’instant, sa pratique de l’e-santé se résume à expliquer le fonctionnement des lecteurs de glycémie connectés via un smartphone.
« Il y a encore peu de demandes pour ce type d’appareils et elle émane de profils jeunes. » Pour autant, les activités en ligne ne manquent pas à la pharmacie Mercier Pharmavie puisque l’adjoint doit gérer le service de préparation des commandes Click&Collect que propose le site Internet de l’officine et les enquêtes de satisfaction de la clientèle via des tablettes connectées.
Cette évolution que constatent les adjoints dans leur exercice quotidien avait déjà été soulignée en janvier 2015 dans le rapport lié aux états généraux du pharmacien adjoint d’officine : « Le soin se dématérialise de plus en plus et les pharmaciens adjoints doivent prendre la mesure des services liés aux nouveaux usages et promouvoir leur développement au sein de l’officine… » Pour les y aider, l’organisme Form’UTIP a mis en œuvre un stage E-pharmacien, tandis que UTIP Innovations travaille au développement d’une formation sur le pharmacien 3.0, sans doute proposée d’ici à fin 2016.
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