C’est l’un des derniers avatars collaboratifs de la communication, les patients échangent leurs impressions sur leur pharmacien et leurs expériences en officine via les portails, les sites, mais surtout via les forums Internet. Le Web 2.0 qui permet aux patients de s'informer, mais aussi d'alimenter la toile de leurs contributions, ouvre de nouveaux champs d’expression qui échappent au pharmacien. À moins que celui-ci s’en empare, à son tour. Car, comme dans le monde réel, le pharmacien peut écouter ce qui se dit sur lui et, au besoin, stopper la rumeur. Il lui suffit pour cela de prêter l’oreille.
Être en alerte
Afin de maîtriser sa réputation, le pharmacien doit contrôler de manière très régulière les messages véhiculés sur lui et son officine. Pour cela, il s’agit de définir, dans un premier temps, tous les mots-clés qui se rattachent à sa personne (nom, prénom, qualité, spécialité…) et à son officine (nom, enseigne, groupement, localisation, spécificités…).
Dans un deuxième temps, pour savoir s’il est mentionné, il lui suffit de poser des outils sur le Web de manière simple en créant des alertes sur les moteurs de recherche tels que Google (https://www.google.fr/alerts). Ces termes remonteront dans les alertes à chaque fois qu'ils apparaîtront dans des blogs, ou sur des sites. Peu toutefois sur les réseaux sociaux.
Il semble en revanche peu opportun pour les pharmaciens de recourir à des outils plus sophistiqués d’écoute des réseaux sociaux et des forums, tels que OMGILI, Radarly, Synthesio, qui s’adressent à des utilisateurs plus avertis ou aux agences de communication.
Construire sa réputation
Prévenir avant de guérir. Une réputation se cultive. Voire s’anticipe. En effet, le professionnel de santé peut se positionner en tant que tel sur le Web dans les limites qui lui sont accordées par le code de déontologie, et notamment par les règles de communication émises récemment par le Conseil national de l'Ordre des pharmaciens.
Comme le constate Denise Silber, experte en e-santé, dirigeante de Basil Strategies et créatrice de Doctors 2.0 & You : « Internet permet aux patients de rencontrer des patients ayant des expériences similaires et des professionnels de santé prêts à sortir de la relation verticale. On est loin d’une utilisation anarchique et détournée d’Internet par les patients comme certaines critiques le laissent entendre. Internet permet aux utilisateurs de concrétiser leur solidarité, et ce faisant génère une forme d’intelligence collective. »
Dans ce contexte marqué par une prise de parole croissante des patients, le professionnel de santé qu’est le pharmacien a tout intérêt à se saisir de cette opportunité pour prendre la place qui lui revient dans ces forums et sites spécialisés. Que ce soit dans ceux des associations de patients ou de sportifs tels que forum.sports-santé.com, où les internautes échangent conseils, recommandations et bonnes pratiques.
Toujours dans le cadre autorisé par la réglementation, le pharmacien peut également se faire entendre, sur son blog par exemple, en publiant du contenu original à valeur ajoutée ou en intervenant en tant qu’expert. De même, le pharmacien pourra gratifier des recommandations tout comme il pourra désamorcer un « bad buzz ».
« Sa e-reputation se construit sur sa prise de parole Avec patience, si le sujet est d’intérêt, les associations de patients peuvent même devenir des caisses de résonance aux propos de ce professionnel de santé engagé », insiste Hélène Decourteix, consultante en pharmacie et en digital. Elle met cependant en garde : « Mais attention, s’exprimer c’est également prendre le risque de s’attirer des contradicteurs. »
Sensibiliser son équipe
La réputation de l’officine est l’affaire de tous. Rien ne sert de veiller aux commentaires des internautes si les collaborateurs ne contrôlent pas leurs propres agissements sur le Web. Pour prévenir ces mauvaises surprises, il convient donc de leur rappeler les règles de confidentialité auxquelles ils sont tenus, dans la vie réelle comme dans le monde virtuel. Et de les sensibiliser sur le fait que les propos qu’ils tiennent sur Internet au sujet de leur lieu de travail ou de leur titulaire, peuvent entacher la réputation de l’officine.
Contre-attaquer
En effet, la Toile n'est pas indulgente envers les pharmaciens, pas davantage qu'avec les autres professionnels. On estime qu'en moyenne 50 % des avis déposés sont négatifs. Les sites spécialisés tels que www.qcunbon.fr (qui connaît un bon…) ou les plateformes collaboratives comme www.dokbody.com ne sont pas les seuls à récolter les avis des patients sur leurs praticiens.
Il est ainsi possible de laisser un commentaire sur les espaces généralistes que sont le moteur de recherche Google ou encore Yelp, la société américaine qui publie des avis participatifs sur les commerces locaux. Cette dernière va même jusqu'à indiquer, pour preuve de sa neutralité « Votre confiance est notre première priorité. C'est pourquoi les commerces ne peuvent pas payer pour modifier ou faire retirer leurs avis. » Pas très rassurant lorsqu'on constate que nombre de pharmacies se voient gratifier de commentaires peu engageants, datant pour certains de quatre à cinq ans.
Pour autant, aucun commentaire n'est indélébile s'il est diffamant, outrageant ou injurieux. Le professionnel mis en cause peut envisager un recours au pénal. Il lui est cependant recommandé d'agir rapidement et de se faire assister d'un avocat.
Droit à l'oubli
Par ailleurs, depuis trois ans, tout pharmacien estimant que sa réputation est entachée par des avis ou des propos sur le Web, peut demander que les liens vers des contenus le concernant soient déférencés. C’est-à-dire que son nom n'apparaisse plus dans les moteurs de recherche. En mai 2014, une décision de la Cour de justice de l'Union européenne (CJUE) a en effet obligé Google Europe à mettre en place une procédure de demande de suppression de contenu.
Depuis, tout citoyen peut ainsi demander à Google de supprimer les résultats d'une recherche mentionnant son nom ou ses données personnelles. Sous certaines conditions toutefois. Il sera plus facile d'obtenir gain de cause si la mention concernée est considérée comme obsolète, mensongère ou très ancienne. Des mentions présentant un intérêt public (condamnation pénale, escroquerie financière, négligence professionnelle…) seront plus difficiles à effacer.
En cas de refus de Google, il est recommandé au pharmacien de faire appel auprès de la Commission nationale de l'informatique et des libertés (CNIL), voire, en cas d'échec, devant le Conseil d’État en dernier recours… À noter, enfin, qu’il sera possible d'obtenir le droit à l'oubli uniquement sur la version européenne des pages Google et non sur celles de Google.com.
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