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L’honoraire sous l’œil des experts

Publié le 07/04/2016
Recul des ventes de médicaments remboursables et de produits OTC, stabilisation de la marge brute globale, baisse de la rentabilité : telles sont les principales conclusions de la dernière étude statistique sur l’activité des officines en 2015, présentée ce week-end à PharmagoraPlus par le réseau d’experts-comptables CGP. Cette étude confirme également que la mise en place de l’honoraire en 2015 n’a pas complètement compensé la baisse des prix des médicaments remboursables.

Les « statistiques professionnelles de la pharmacie » présentées par le groupement d’experts-comptables CGP (Conseil Gestion Pharmacie) sont très attendues chaque année. Elles portent en effet sur l’échantillon le plus large de toutes les études réalisées pour la profession : 1 649 officines passées au crible pour 2015. Cette étude permet d’abord, et pour la première fois, de mesurer sur les comptes des officines l’impact de l’honoraire de dispensation mis en place le 1er janvier 2015, la réforme de la marge dégressive lissée (MDL), ainsi que le changement de mode de rémunération sur le générique*.

Ces honoraires de dispensation se sont élevés en moyenne à 119 900 euros en 2015, soit 7,46 % du chiffre d’affaires total hors taxes (prestations de services comprises). « Clairement, et même s’il joue un rôle d’amortisseur, ce montant est insuffisant pour compenser la baisse des prix sur le médicament remboursable en 2015 », estime Joël Lecoeur, vice-président de CGP, chargé des statistiques au sein du groupement. En effet, avec un chiffre moyen de 1 159 100 euros, le chiffre d’affaires sur le médicament remboursable a fortement chuté l’an dernier, de 10,03 % en moyenne.

Les autres secteurs de ventes en officine sont, en revanche, en progression : + 4,73 % pour les produits à 5,5 % de TVA (certains dispositifs médicaux), + 7,09 % pour les produits de la LPPR et la parapharmacie. Le marché de l’OTC, toutefois, recule de manière significative en 2015, de 3,03 %. « Les hausses successives de TVA non répercutées par les pharmaciens et la concurrence sur ce secteur ont eu un impact direct sur cette activité, avec une politique de prix plus agressive non compensée par le volume des ventes », commentent les auteurs de l’étude CGP.

Un CA moyen presque stable

Au total, le chiffre d’affaires moyen de l’ensemble des ventes en officine, tous produits confondus, s’est élevé à 1 607 300 euros hors taxes en 2015, soit une baisse de 6,59 % par rapport à 2014. Mais si l’on ajoute les honoraires de dispensation et les prestations de services (50 400 euros de prestations en moyenne en 2015, en recul de 18,71 % par rapport à 2014), l’activité globale des officines s’établit pour cette même année à 1 777 600 euros, soit une baisse de (« seulement ») 0,28 % depuis 2014. Sans surprise, ce sont les officines rurales qui ont le plus petit chiffre d’affaires moyen (1 643 000 euros), les officines de centre commercial doublant presque ce montant (2 870 600 euros).

« Pour effectuer des comparaisons d’activité par rapport à 2014, il faut analyser les évolutions de chiffre d’affaires en y intégrant les prestations de services », prévient Joël Lecoeur. Ces prestations comprennent principalement les contrats de coopération commerciale sur les génériques et, dans une moindre mesure, la prime à la performance sur le générique (ROSP) et les indemnités de garde. « Mais il convient d’y intégrer aussi les honoraires de dispensation qui, avec près de 119 900 euros, représentent 7,46 % du chiffre d’affaires total des officines, prestations comprises », soulignent encore les experts CGP.

EBE en baisse

Autre indicateur de la santé des officines : la marge commerciale. La marge brute sur les ventes, hors honoraires, s’est effondrée en 2015. « Mais il faut examiner et parler désormais de marge brute globale - ventes, prestations et honoraires compris », prévient Joël Lecoeur. Celle-ci s’établit pour 2015 à 562 959 euros pour une officine moyenne, soit 31,67 % du chiffre d’affaires hors taxes, contre 563 262 euros (31,60 % du CA hors taxes) en 2014.

La marge brute globale est donc quasi stable en valeur, même si cette stabilité est due principalement, et artificiellement, au versement en 2015 du solde de 2014 des contrats de coopération commerciale sur le générique. Par ailleurs, les responsables de CGP ont calculé que les honoraires de dispensation contribuent à hauteur de 30 % de la marge sur le médicament remboursable et représentent 21 % de la marge brute, toutes activités confondues. À relever aussi que seules les officines ayant un chiffre d’affaires supérieur à 2 000 000 euros ont vu leur marge progresser en valeur en 2015, mais aussi que de nombreuses petites officines ont vu leur marge s’améliorer, puisque les remises « avant » sont désormais calculées par type de molécule, sans effet de volume par conséquent.

Quant à l’excédent brut d’exploitation (EBE), qui est l’indicateur de gestion le plus pertinent pour mesurer la rentabilité des officines, il est en baisse en 2015, pour la première fois depuis 2008, de 1,06 % : 229 351 euros en moyenne (12,90 % du CA hors taxes), contre 231 816 euros (13 % du CA hors taxes) en 2014. Une tendance qui s’explique par le recul de l’activité et une légère augmentation des frais généraux et des frais de personnel. Il faut cependant relativiser cette baisse, puisque l’EBE avait assez nettement augmenté l’année précédente. Et, rappellent les experts de CGP, « il faut garder à l’esprit que le niveau de l’EBE est étroitement lié à l’existence des contrats de coopération commerciale sur le générique ».

Au total, les officines semblent donc avoir évité le pire en termes de chiffre d’affaires global et de marge, en 2015. Mais la baisse de valeur de l’EBE est un indicateur assez inquiétant, d’autant qu’il influe aussi sur la valorisation des pharmacies. Selon CGP, sur une centaine de cessions analysées, le prix d’achat moyen des officines ressort ainsi à 80 % du chiffre d’affaires et à 6,95 fois l’EBE. Or 2016 s’annonce comme l’année de tous les dangers, puisqu’il faut s’attendre à de nouvelles baisses de prix sur les médicaments remboursables et les génériques, et donc à une diminution des remises des génériqueurs…

*Plafonnement des « remises avant » à 40 %, en lieu et place des contrats de coopération commerciale, depuis le 1er septembre 2014.
François Sabarly

Source : Le Quotidien du Pharmacien: 3255
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