Évolution et tendances des publicités pour médicaments

Malgré les contraintes, la pub pharma fait son show

Publié le 18/04/2013
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L’émergence des nouvelles technologies et les scandales qui ont émaillé le monde de la santé ont considérablement modifié la communication des industriels du médicament. Les dernières évolutions législatives ont ainsi renforcé le cadre réglementaire qui entoure toute information sur les produits de santé tout en offrant l’opportunité d’élargir le champ des cibles potentielles. Autant d’évolutions qui ont impacté la teneur des messages.

LA PUBLICITÉ pharmaceutique a évolué. En l’espace d’une quinzaine d’années, elle s’est même profondément transformée et est devenue multiple. « Initialement centrée exclusivement sur le produit, elle s’est petit à petit élargie à l’environnement du médicament et aux pathologies avant de s’ouvrir au corporate », explique le Président de la Fédération Nationale de l’Information Médicale (FNIM*), Éric Phélippeau. Un phénomène qui remonterait à la fin des années quatre-vingt-dix avec le lancement de certains produits phares, comme le médicament vedette de Pfizer, le Viagra, au cours du troisième trimestre de l’année 1998.

Et cette tendance s’est plus particulièrement accélérée avec le développement des génériques et la reconnaissance du droit de substitution, entre 1996 et 1999. Mais au-delà de la mise sur le marché de certains produits, qui a fait évoluer le contexte de la prise de parole, Éric Phélippeau, également Président de By Agency Group, considère que le véritable virage de la communication pharmaceutique est plus précisément lié à l’émergence du digital. « Le patient s’informant de plus en plus, la vision des acteurs du médicament s’est logiquement trouvée profondément bouleversée ; quand bien même aucun industriel et aucun communicant ne songeait à développer le direct to consumer (DTC) sur cette rive de l’Atlantique ».

Sans chercher à promouvoir les médicaments auprès du grand public, les acteurs de la communication pharmaceutique n’en ont pas moins destiné aux patients certains de leurs messages, les faisant ainsi évoluer vers le dépistage, la prévention, l’accompagnement… Conséquence : les annonces publicitaires ont évolué pour devenir de plus en plus informatives ; voire pour « s’orienter vers une forme d’éducation thérapeutique avec des éléments sur l’utilisation et le suivi du bon traitement afin, par exemple, de renforcer l’observance ».

Multicibles.

Avec cette évolution du message, les industriels ont donc décidé de ne plus communiquer vers le seul prescripteur - qu’il soit médecin généraliste ou spécialiste - mais de s’intéresser aussi aux autres professionnels de santé, dont les pharmaciens en particulier, et à l’ensemble des parties prenantes du monde de la santé : pouvoirs publics, associations de patients, centres de soins… « À partir de la reconnaissance du droit de substitution, de mono-cible, la publicité pharmaceutique est donc devenue multicibles », précise encore Éric Phélippeau.

Et avec cette nouvelle dimension, la communication médicale a dû s’adapter pour devenir, entre 2002 et 2005, multicanal et multisupport. Une fragmentation des canaux de communication qui n’est pourtant en rien synonyme de simplification des messages diffusés.

« L’encadrement réglementaire très strict nécessite de respecter des règles à la fois contraignantes et variables selon le destinataire du message », explique le Président de la FNIM. D’où la nécessité de coordonner les règles du marketing, de la communication et des obligations réglementaires, les chefs de produits sont devenus de véritables chefs d’orchestre.

D’autant que d’un schéma classique publicité presse, plus visite médicale, plus relations publiques entre les laboratoires et les professionnels de santé, « nous sommes passés à une relation plus complexe qui associe aussi bien les supports d’information print, que le digital ou encore l’événementiel ». Conséquence : les campagnes sont, dans certains cas, moins créatives mais avec des messages plus diversifiés et font appel à une plus grande variété de techniques. À charge pour les communicants d’imaginer des dispositifs de communication à mêmes de répondre à leurs stratégies multifacettes. Des communicants qui ne sont plus nécessairement les seules agences de publicité, mais également des sociétés de relations publiques ou toutes autres agences créatrices de congrès et autres événements.

Contrôle a priori.

Une tendance encore accentuée depuis le vote, puis la promulgation de la loi Hôpital, patients, santé, territoires (HPST), courant 2009. Sans compter la loi relative au « renforcement de la sécurité sanitaire, du médicament et des produits de santé », dite loi Bertrand qui a clairement remis en cause le contrôle a posteriori des campagnes publicitaires en imposant la délivrance préalable d’un visa pour la publicité médicale. « Sans modifier la définition de la publicité, ce texte impose un dispositif plus contraignant de contrôle a priori avec 4 fenêtres de dépôt par an et deux mois de dépôt par fenêtre pour la publicité destinée aux professionnels de santé », explique Éric Phélippeau. Un texte dont les nombreuses incertitudes ont incité un certain nombre de laboratoires à privilégier la communication institutionnelle, le « Corporate » par rapport à la communication Produit.

« Ce visa pour la publicité médicale n’est cependant pas une pratique récente, puisqu’à partir de 1976, la publicité pour les médicaments faite auprès des professionnels de santé y avait été soumise » explique Sylvie Paulmier-Bigot, de la direction des affaires scientifiques, de l’information médicale et du bon usage au LEEM (Les entreprises du médicament). Délivré par le ministre de la Santé, sans qu’aucune fenêtre de dépôt n’existe et sans que la commission de contrôle ne regarde les aides de visite, celui-ci avait toutefois été supprimé par le décret du 23 septembre 1987 qui avait instauré un contrôle a posteriori. Et bien que l’Hexagone se soit ainsi aligné sur l’ensemble des régimes en vigueur en Europe, les conclusions des Assises du médicament, réunies après l’affaire Mediator, ont préconisé de « renforcer le contrôle de la publicité médicale à destination des professionnels de santé en instaurant un contrôle a priori », regrette Sylvie Paulmier-Bigot.

Pire, depuis cette date, les demandes de visa sont effectuées selon un calendrier contraignant décidé par le directeur général de l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM). D’où « la nécessité, pour les annonceurs d’anticiper davantage toutes les actions de marketing et de communication », explique le président de la FNIM. Un point dont le LEEM espère obtenir l’assouplissement au profit d’un « examen des dossiers de publicité une semaine tous les mois », précise encore Sylvie Paulmier-Bigot. Et pour obtenir gain de cause, elle compte bien s’appuyer sur les données chiffrées issues de l’observatoire Oscars qui réunit, entre autres, les délais d’obtention des visas accordés aux entreprises adhérentes du LEEM. Les premiers éléments collectés montraient ainsi que « 86 % des visas étaient acceptés, dont 65 % par accord tacite ; 42 % des demandes de visas concernaient des aides de visite, des fiches signalétiques ou des annonces presse et 81 % des visas refusés l’étaient au motif d’une publicité trompeuse ou non objective ». Pas sûr pour autant que les communicants reviennent à une stratégie plus conventionnelle, dans la mesure où il leur faut bel et bien s’adresser à trois cibles : prescripteur, dispensateurs et consommateurs patients.

* Fondée en 1976, la FNIM regroupe plus d’une cinquantaine de sociétés spécialisées en communication santé et représente plus de dix métiers complémentaires : presse & édition, agences de communication, études de marché, conseil réglementaire, conseil stratégique, visite médicale, RP et évènementiel, design de marque et packaging, objets publicitaires, conseil et achat média, marketing relationnel, marketing opérationnel, digital, internet et multimédia.
SLM

Source : Le Quotidien du Pharmacien: 3000
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